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Analyse
du tableau
Les soeurs Benenaty.
Dans ce tableau, Sroka, pour échapper à l'anecdote et à
la pure représentation, introduit deux plans de lecture: une pluie
d'objets pointus, acérés, tranchants, parasite et sature
l'image au premier plan, sans toutefois la brouiller. Par ce dispositif,
Sroka renforce le côté mystérieux du sujet (qui sont
les soeurs Benenaty? des meurtrières, semblables aux soeurs Papon?
On ne sait), mais fait aussi violence à l'image, qui devient ainsi
capable de nous questionner, de forcer notre regard à scruter la
peinture pour accèder au second plan de lecture. Il faut du temps
pour voir, disait Daniel Arasse, et Sroka nous impose ce temps.
Comme souvent (cf. les séries de tableaux permutables), le peintre
s'empare d'un procédé de la peinture conceptuelle, pour
le réintégrer dans une figuration. Le procédé
lui-même est sans doute emprunté à
Jan Tarasin , aux côtés de qui Jacek Sroka exposa
dans "Positionen Polen" à Berlin en 1991. Mais, là
où Tarasin privilégie l'horizontale (base, selon lui, de
notre perception) et tient un discours intellectuel en relation avec la
géométrie hyperbolique de Lobatchevsky, les théories
du chaos, et les recherches de Prigogine sur les structures dissipatives,
Sroka, loin de tout projet interprétatif du monde (qui finissent
souvent par se prendre pour leur propre finalité) détourne
et pervertit le procédé: les signes et les formes catégorisées
de Tarasin deviennent des pluies verticales d'ustensiles hétéroclites
et improbables, qu'on dirait sortis d'un labyrinthe neuronal d'imagination
foutraque, et qui tantôt ont un rapport avec le sujet du tableau
(
Prison, 1994; Edgia et Fedgia, 1996 ), tantôt aucun (
Cinq bonnes actions, 1993; Mossos Crt., 1996; L'ecole des filles, 1993;
Inventaire, 1995 ). Et dans
"La pluie" , 1997, Sroka renverse à nouveau le procédé:
la répétition sérielle des gouttes d'eau au premier
plan devient alors figure de la pluie. La pluie, en tant que concept.
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